En tant qu’expert en marchés publics, il est essentiel d’examiner les répercussions géopolitiques majeures et leur influence sur l’économie nationale. La crise en Ukraine, évoluant vers un conflit ouvert en 2023, a non seulement bouleversé l’ordre politique européen, mais a également eu des répercussions profondes sur les marchés publics français. L’instabilité régionale a mis à l’épreuve la résilience des chaînes d’approvisionnement, la stratégie d’acquisition et la sécurité énergétique, impactant de manière significative plusieurs secteurs clés.
Le premier secteur à subir l’impact de la guerre en Ukraine est, sans surprise, l’énergie. Historiquement, la France a été fortement dépendante des importations de gaz naturel, une part non négligeable provenant de la Russie, transportée à travers l’Ukraine. Le conflit a gravement perturbé ces routes d’approvisionnement, mettant en péril non seulement la sécurité énergétique de la France mais aussi ses engagements en matière de marchés publics. En réponse, le gouvernement français a dû réévaluer de toute urgence ses fournisseurs, se tourner vers des alternatives plus coûteuses et investir davantage dans les énergies renouvelables. Cela a entraîné une augmentation des appels d’offres dans le secteur public pour des projets énergétiques locaux et durables, une tendance qui devrait se poursuivre à mesure que la France cherche à atténuer sa dépendance géopolitique.
Le secteur de la défense et de la sécurité a également été mis en lumière par la crise. Face à une OTAN en état d’alerte et à une Europe préoccupée par la sécurité, la France a vu une augmentation des investissements dans la défense. Les marchés publics ont reflété cette priorité, avec une augmentation notable des appels d’offres liés à l’équipement militaire, à la cybersécurité, et aux technologies de renseignement. En outre, le gouvernement a renforcé les critères d’attribution des contrats pour privilégier la sécurité et la souveraineté nationale, favorisant les fournisseurs nationaux et imposant des exigences strictes en matière de sécurité des données et de la chaîne d’approvisionnement.
Un autre secteur affecté de manière inattendue est celui de la santé. La perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales a retardé la livraison de médicaments et d’équipements médicaux essentiels, exposant la vulnérabilité des systèmes de santé aux chocs géopolitiques. En réponse, les marchés publics dans le secteur de la santé ont adopté une approche plus stratégique, en privilégiant la diversification des sources d’approvisionnement, en investissant dans la production locale de médicaments essentiels, et en renforçant la capacité de réponse aux crises.
Le secteur de la construction, en particulier les infrastructures critiques, a également ressenti l’impact. Avec la crise, les matières premières, notamment l’acier et le gaz naturel, sont devenues plus rares et plus chères. Les projets d’infrastructure publique ont connu des retards et des réévaluations budgétaires, obligeant les entités publiques à renégocier les contrats et à rechercher des solutions plus rentables et résilientes. Les marchés publics ont commencé à intégrer des critères de résilience et de durabilité, en particulier pour les projets d’infrastructure critiques.
Enfin, l’industrie manufacturière a été confrontée à une double crise : la perturbation de la chaîne d’approvisionnement et la fluctuation des demandes du marché. La réponse à travers les marchés publics a été nuancée : d’une part, une tendance à la « relocalisation » où le gouvernement favorise les fournisseurs locaux pour stimuler l’économie nationale, et d’autre part, une diversification urgente des chaînes d’approvisionnement pour éviter les goulets d’étranglement futurs.
En conclusion, la crise en Ukraine a servi de révélateur, mettant en évidence la nécessité d’une plus grande résilience et souveraineté à travers les secteurs clés des marchés publics français. Elle a accéléré des changements stratégiques, notamment une réduction de la dépendance énergétique, un investissement renforcé dans la défense, une autonomie accrue dans le secteur de la santé, et une plus grande durabilité et résilience dans la construction et la fabrication. Alors que la situation continue d’évoluer, les entités adjudicatrices françaises sont appelées à naviguer dans ce paysage complexe avec prudence, stratégie et une vision à long terme pour la sécurité et la prospérité nationales.