La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a récemment eu à se prononcer sur le maintien d’un marché public tacitement reconduit depuis plus d’une décennie au profit de son titulaire initial. Une pratique pas si rare, pourtant contraire à la règle de durée limitée des marchés publics consubstantielle à l’obligation de remise en concurrence périodique applicable à ce type de contrat.
Un danger pour les entreprises qui en sont titulaire, un argument imparable pour celles souhaitant les bousculer.
De quels marchés parle-t-on ?
Tous les marchés publics sont soumis à l’obligation de durée limitée !
Conformément aux articles L5 et L2112-5 du Code de la commande publique, « la durée du marché est définie en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence périodique (…) sous réserve des dispositions du présent livre relatives à la durée maximale de certains marchés. »
Si certains marchés publics doivent s’en tenir, pour leur durée, à un nombre d’années défini par le Code – les accords cadres ne pouvant ainsi dépasser quatre ans lorsqu’ils sont attribués par un pouvoir adjudicateur – tous doivent être assortis d’une date de fin fixée par le marché. Partant, les marchés publics conclus sans terme, autrement dit sans durée limite, sont contraires à la règlementation applicable en la matière, ce que ne manque pas de rappeler le juge bordelais. Morceaux choisis :
« Les conditions de renouvellement du contrat litigieux à cinq reprises par tacite reconduction entre 2006 et 2014, auraient dû respecter une procédure de publicité et de mise en concurrence »
« Le contrat conclu le 17 février 2004 ainsi que ceux ayant pris tacitement effets au 17 février 2006, 17 février 2008, 17 février 2010, 17 février 2012 et 17 février 2014, par application de la clause de tacite reconduction, avaient donc à être précédés d’une procédure de publicité et de mise en concurrence en vertu du code des marchés publics alors en vigueur ».
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 22/03/2021, 18BX02696, Lecture du lundi 22 mars 2021
Ma structure est-elle concernée ?
Si votre structure est titulaire d’un marché public conclu sans terme fixe à savoir en s’appuyant sur une clause de tacite reconduction, elle est réputée persister dans un montage qui peut – et même devrait – être dénoncé car contenant une disposition contraire à la règlementation applicable en matière de durée des contrats de la commande publique. Le principe de loyauté des relations contractuelles devrait d’ailleurs vous conduire à spontanément rapporter cette situation, pour ne pas persister dans une erreur – involontaire, certainement – pouvant toutefois constituer un comportement fautif par défaut d’obligation de conseil, tant la règle fait partie des classiques en jurisprudence !
La procédure à suivre doit néanmoins être mise en œuvre par votre client, qui prendra une décision de résiliation pour motif d’intérêt général, ce dernier étant constitué dès lors que l’absence de remise en concurrence fait échec à l’objectif de bonne utilisation des deniers publics, figurant à l’article L3 du Code de la commande publique.
Ce même motif pourra être souligné à votre prospect, cette fois-ci, si vous estimez qu’un titulaire en place l’est sur le fondement d’une clause de tacite reconduction.
Notre conseil : établissez la liste des marchés publics (et non pas « privés soumis au code de la commande publique pour leur passation », ce qui est une autre histoire) potentiellement concernés par la tacite reconduction.
Votre réflexe professionnel : soyez pro-actif : dénoncer ce type de contrat lorsqu’on en est titulaire, témoigne de votre bonne connaissance des marchés et constituera une marque de confiance envers votre entreprise lors de la remise en concurrence
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