Depuis le début des années 2000, la transformation numérique est conçue comme un levier majeur de modernisation de l’État. La numérisation des services publics a permis de simplifier les démarches administratives et d’améliorer la rapidité d’exécution des missions. Toutefois, si l’objectif d’optimisation des ressources est souvent affiché, la mesure et la valorisation des gains de productivité issus du numérique restent insuffisantes et inégalement suivies.
Une notion de productivité difficile à quantifier dans le secteur public
Contrairement au secteur privé, où la productivité est mesurée à travers des indicateurs économiques précis (coût, rendement, retour sur investissement), le secteur public ne dispose pas de référentiels de marché pour évaluer la performance de ses services.
- Les services publics ne sont pas évalués en fonction d’un chiffre d’affaires ou d’une rentabilité financière directe.
- Les bénéfices du numérique ne se traduisent pas toujours immédiatement en économies budgétaires, mais plutôt en amélioration du service rendu aux citoyens.
- La performance des administrations repose sur des critères variés (efficacité, qualité du service, accessibilité) qui ne sont pas systématiquement corrélés à la productivité économique.
Les administrations utilisent des indicateurs de performance qui mettent l’accent sur :
- L’efficacité (atteinte des objectifs fixés).
- La qualité du service (satisfaction des usagers).
- L’efficience (optimisation des ressources).
Toutefois, ces indicateurs ne traduisent pas nécessairement les gains de productivité obtenus grâce aux projets numériques. Moins de 2 % des indicateurs suivis dans le cadre de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) mettent en relation une production administrative avec les moyens alloués.
Un suivi limité des bénéfices du numérique dans l’administration
Malgré les investissements réalisés, le suivi des gains de productivité liés au numérique demeure partiel. Plusieurs constats issus des analyses de la Cour des comptes illustrent cette faiblesse :
- Un manque d’analyse des gains attendus : lors de la validation des projets numériques, les administrations formulent des prévisions de gains mais ces estimations ne font pas l’objet d’une évaluation approfondie ni d’un suivi structuré.
- Une absence de contrôle des bénéfices réels : Les projets numériques sont souvent lancés sans que leur impact en termes de gains de productivité ne soit réellement mesuré après leur mise en œuvre.
- Des projets motivés par d’autres impératifs que la productivité : De nombreux projets sont engagés pour des raisons réglementaires, politiques ou pour moderniser des systèmes obsolètes, sans mise en avant des gains attendus.
L’exemple du Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) montre bien cette difficulté : bien que ce fonds exige des porteurs de projets une évaluation des économies attendues, ces prévisions reposent sur des déclarations des ministères sans réelle validation a posteriori.
Comment améliorer le suivi et la valorisation des gains de productivité ?
Le rapport souligne plusieurs axes d’amélioration pour renforcer l’évaluation des projets numériques et en maximiser les bénéfices :
- Renforcer le cadrage des projets en amont : Exiger des études d’impact documentées et une meilleure prise en compte des gains de productivité dès la conception des projets.
- Mettre en place des indicateurs analytiques partagés : Développer des outils permettant de quantifier avec précision les économies et gains obtenus, comme la comptabilité analytique pour le suivi des coûts et des bénéfices.
- Suivre les gains tout au long du projet et après son déploiement : Actuellement, le suivi des projets numériques se limite souvent à leur mise en place, sans retour d’expérience détaillé une fois le projet terminé.
- Exploiter les données et technologies existantes : Tirer parti des capacités de suivi des systèmes d’information et des outils d’analyse pour mieux mesurer l’impact des projets sur la productivité des services publics.
Valoriser les gains de productivité pour renforcer la transformation numérique de l’État
Le rapport met en évidence que les administrations publiques n’intègrent pas encore pleinement la notion de productivité dans leurs décisions d’investissement numérique. Pourtant, disposer d’une mesure fiable des bénéfices permettrait de :
- Justifier les investissements et mieux allouer les ressources.
- Optimiser la gestion des services et améliorer leur qualité.
- Assurer une meilleure transparence et une évaluation plus objective des projets engagés.
Dans un contexte budgétaire contraint, il devient essentiel pour l’État de mieux suivre et valoriser les gains liés au numérique. Adopter une approche plus rigoureuse permettrait de sécuriser les décisions, d’optimiser les investissements et de renforcer l’impact des réformes engagées.
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